La Passe # 1 (Les Cabines)
LA PASSE s’articule en deux gestes : une installation et un spectacle. Une première étape donne forme et accès à la matière première du projet, sous la forme d’un montage sonore des divers témoignages et récits récoltés tout au long des résidences de recherche qui ont précédé la création du spectacle et diffusé dans une installation constituée de deux cabines téléphonique dans lesquelles le public peut s’installer pour écouter la bande son : une source est ambiante, l’autre audible par le combiné téléphonique. Les deux formes voyagent ensembles, les Cabines installées dans le hall du théâtre et le spectacle dans la salle.
« J’étais pas une fille chaude. Qu’est-ce qui fait que j’y suis allée dans la prostitution, c’est une question que je me suis posée des dizaine et des dizaine de fois ». – Catherine T.
// Descriptif
Deux anciennes cabines téléphoniques postales jumelles reliées entre elles par une vitre sans teint, invite un par un le public à prendre place à l’intérieur. L’une d’elle est consacrée aux paroles de femmes, l’autre à celles des hommes. C’est le principe du peepshow, on passe de regardé à regardant selon qu’on occupe l’une ou l’autre place. Chaque cabine peut accueillir une personne à la fois, le temps de visite est limité à « dix minutes », le temps traditionnel d’une passe. On ne peut entendre l’intégralité des témoignages qu’en renouvelant la visite, ou se contenter de ce qu’on a entendu, vu, éprouvé. Il est possible de laisser un témoignage anonyme dans une boîte à messages avant de quitter les lieux.
LA PASSE#1 est un objet destiné à évoluer avec le temps. Il accompagnera le spectacle du même nom dont la création est prévue à l’automne 2019. L’installation pourra se visiter avant ou après le spectacle, c’est une fenêtre de sensation qui passe par un autre langage que celui du théâtre tout en étant relié à lui. Les deux modules fonctionnent en relation et mettent différents champs de perceptions en résonance. L’installation fonctionne donc comme objet de dialogue avec la pièce. J’imagine que les spectateurs et spectatrices, regarderont et écouteront ce qui se passe sur scène comme « déplacés » de l’intérieur par les sensations qu’ils auront vécues durant leur immersion dans les cabines. Que le public choisisse de s’immerger dans l’installation avant ou après le spectacle, sa perception sera contaminée par son expérience de visiteur.
//Historique
Pour parler de – La Passe#1 / Cabines -, il faut retracer brièvement l’historique de la création du spectacle La Passe. En 2016 je démarre un projet d’écriture théâtrale sur les traces de Grisélidis Réal, prostituée et écrivaine suisse, je m’intéresse particulièrement à un de ses derniers écrits (Les Sphinx, Verticales, 2006). Je propose à Laurence Mayor qui est comédienne, une première résidence de recherche où nous entrelaçons l’écriture de Réal aux récits personnels de Laurence qui dessinent une cartographie de la condition prostituée de la femme et de l’actrice. Parallèlement, je pars à la rencontre d’autres actrices, de travailleuses du sexe traditionnelles et de clients, dont j’enregistre les témoignages. Puis sur le montage de coproduction du spectacle, je décide avec le soutien du TNB de créer en 2018 une première étape de création sous la forme d’une installation qui sera présentée dans le hall du théâtre, lieu de passage public, lors du Festival du TNB en 2018. Le spectacle sera présenté à l’édition du Festival l’année suivante, en 2019.
« Je suis revenue durant des mois voire des années sur ces enregistrements notamment pour les retranscrire. Toutes ces voix, toutes ces vies, toutes ces personnes qui m’ont parlé, qui m’ont donné leurs témoignages intimes, j’ai toujours senti que je leur devais d’en faire quelque chose, que je leur devais de les donner à entendre. Et je sais que ces voix font écho à ma propre histoire dans ses recoins effacés, quelque chose qui a à voir avec cette part en nous prête à se vendre, ce « deal » irrationnel enraciné dans nos inconscients qui se battent et s’accordent avec le sentiment de notre valeur et la nécessité de notre survie. » – Vanessa Larré
LA PASSE#1 est un témoin, une installation qui invite le public à s’immerger dans l’écoute d’autres vies que les nôtres qui font échos à un sentiment de familiarité collective.
Le corps, le regard et l’intime sont les sujets au cœur de la pièce qui déplie une conversation en traits d’union entre deux, puis trois femmes qui sont à la croisée de chemins qui vont initier pour chacune une métamorphose profonde. Ne plus se soumettre à ce qui blesse, à la tyrannie de la peur, de l’argent, de la domination masculine, accepter d’être autonome, de vieillir,… entamer un nouveau chapitre de sa vie. La trame documentaire écrit le projet et sculpte au fur et à mesure un langage théâtral qui va traduire ces rencontres en y mêlant les histoires qui m’ont été confiées et toutes celles que je porte en moi. Ainsi la fable s’invente avec des éclats de récits de natures multiples qui, comme des petits cailloux sur le chemin, nous ramènent à nos histoires intérieures.
Sans doute mon travail est une tentative de réparation par l’observation et la mise en scène d’un féminin abîmé et de son écho dans notre culture.