King Kong théorie, essai estampillé nouveau manifeste féministe de Virginie Despentes, repose sur la biographie de son autrice. A 16 ans, Virginie Despentes et une amie font du stop et sont violées par trois hommes sous la menace d’une carabine. Après un temps de sidération, l’autrice réalise qu’au-delà du traumatisme personnel le viol est systémique, inscrit par la violence dans la culture patriarcale qui encourage les hommes à se servir sur le corps des femmes, une culture allant jusqu’à établir dans nos inconscients un pacte érotique autour des figures de bourreau et de victime. Despentes va alors s’atteler avec méthode et l’aide de quelques penseuses féministes à démonter cette injonction victimaire pour faire exploser les carcans et souffler un vent de rébellion salutaire : « si ça t’arrive, dust your self et remets-toi debout » (Camille Paglia), sort dans la rue, prend la tangente, tout plutôt que rester chez papa, maman à faire ta manucure ! 

C’est précisément ce que le texte initial s’est donné pour mission de faire en dénonçant point par point les chapitres de l’édifice patriarcal à commencer par son système de hiérarchies des sexes. 
Le spectacle met en scène trois femmes qui apparaissent comme trois entités du personnage Despentes. La parole se déploie alors en un dialogue qui décrypte une pensée à plusieurs prenant le public à partie. La pièce traverse les chapitres majeurs du texte que sont, le viol, la prostitution et la pornographie pour aboutir sur la mystérieuse Skull Island du film mythique de King Kong*, où règne une bête surpuissante ni mâle ni femelle, symbole d’une vision queer dépassant le clivage et la question du genre.
* Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack, 1933