Sublim(e)s
© Vanessa Larré, Valérie Bert.
Quand je rencontre Julie L. au centre pénitentiaire où j’interviens en 2017, elle purge une peine pour l’homicide involontaire de son enfant. À sa sortie elle accepte de me raconter son histoire. La pièce s’écrit à partir de ce récit initiatique tragique qui agit comme mythe contemporain, déclinant d’autres trames de nos histoires familiales. On suit les trajectoires en miroir de plusieurs personnages dont les points de vues vont se croiser et se démultiplier autour de la figure centrale de Jeanne et de son drame. Le public est alors pris à témoin d’un processus d’écriture qui tente de faire cohabiter différentes histoires pour créer un récit en résonance avec nos histoires individuelles et collectives.
« Sublime(s) fait aussi un écho souterrain au texte de Marguerite Duras Sublime, forcément sublime, Christine V. ».
En 2016 après avoir joué un spectacle en prison, j’ai demandé à travailler en maison d’arrêt pour femmes. J’ai pu enregistrer les histoires de plusieurs détenues que j’ai retranscrites et qu’elles ont ensuite lues dans la petite salle de travail dédiée à notre atelier où nous nous retrouvions chaque semaine.
Parmi elles il y avait Julie L. La Justice l’avait condamnée pour l’homicide involontaire le plus terrible qui soit pour une mère, celui de son enfant. Oui, cela arrive. J’ai pleuré pour l’enfant, j’ai pleuré pour elle qui en était arrivé là, à laisser mourir son enfant, j’ai pleuré sur la mauvaise mère que j’aurais pu être et que j’ai été parfois. L’histoire de Julie n’est pas un fait isolé, il y a des milliers de femmes et d’enfants à qui c’est arrivé, il n’est pas rare que le père soit absent, qu’il travaille trop ou qu’il soit parti quand il a appris la grossesse ; d’autres fois il disparait plus tard sans laisser d’adresse comme cela m’est arrivé avec mon père dans mon adolescence.
Quelques mois plus tard je commence à écrire les premières lignes de ce projet. J’avance chronologiquement : les portraits filmés, les discussions qui s’en suivent, on parle de la vie, d’amour, de musique, on improvise des scènettes avec la liberté à portée d’imaginaire. Puis sont venues les lettres et les premiers parloirs avec Julie L., je consigne tout. Elle me raconte sa vie en prison, sa vie d’avant aussi, elle parle de ses enfants placés. Le récit du drame elle le fera plus tard quand nous nous reverrons chez elle après sa sortie de détention.
Des mois plus tard quand je me mettrai à retranscrire nos entretiens, des histoires marquantes de ma vie ont refait surface. Puis quand j’ai confié ces récits aux interprètes qui allaient jouer les rôles de Julie L., de la Journaliste, du Père et de l’Enfant, d’autres récits familiaux sont encore apparus à travers eux. C’est à cette constellation d’histoires que j’ai voulu faire place dans l’écriture, ou comment, partant du réel on tente par glissement de faire cohabiter plusieurs réalités pour fabriquer une fiction commune. Ce travail part d’une écriture personnelle, mais en développe une autre, celle du plateau avec les interprètes. Écrire l’histoire de nos enfances blessées, c’est peut-être juste leur donner une existence, ne pas les mettre sous le tapis.
C’est dire qu’on les a vécues et que les dire aide à aller déjà mieux, peut-être que ça aide à en guérir. C’est ce que j’aimerais dire à mon fils.
Création 2025/26 – coproduction (en cours)
Ecriture et mise en scène Vanessa Larré
Avec Julie Denisse , Florence Janas, Marco Berrettini, Biño Sauitzvy
Assistante à la mise en scène – Valérie Bert
Complicité dramaturgique – Barbara Métais-Chastagnier
Création 2025/26 – coproduction (en cours)
Avec le soutien en résidence de La Chartreuse-CNES, de Théâtre Ouvert, Le Centquatre-Paris, TNP-Villeurbanne, Théâtre de l’Odéon et le Théâtre des Quartiers d’Ivry (TQI).
Sélection Prix Incandescences, section Maquettes 2024.